Charlottever

L’angoisse

Il était là, près de la porte,

Il se rongeait les ongles.

Il attendait, tout tremblant, qu'elle sorte.

Ses doigts tripotaient son épaisse chevelure blonde.

Il ne savait pas ce qu'elle lui dirait.

Il priait de toutes ses forces, il transpirait.

Il était là, comme un chien qui attend son maitre.

Jetant parfois un regard à la fenêtre,

Tant il aurait aimé être ailleurs.

Les minutes semblaient des heures.

Il n'arrivait pas à fixer son attention,

Et il en connaissait la raison.

Il l'avait tellement portée, supportée, transportée

Tellement motivée, poussée…

Il lui avait raconté tant d'histoires magiques,

Sans jamais céder à la panique.

Chaque jour, il l'avait accompagnée,

Alors que beaucoup avaient déserté,

Ne pouvant la regarder leur échapper.

Ils voyaient sa déchéance,

Rien à voir avec le “pas de chance”.

Alors, ce matin là, il avait le droit plus que n'importe qui,

D'être pâle, nerveux, aux portes de la folie.

Si seulement, tout cela finissait bien…

Il voulait encore y croire, ce n'était pas la fin.

La vie lui avait offert un cadeau merveilleux.

Elle ne pouvait pas le lui reprendre,

Il était furieux et ne pourrait se résoudre aux adieux.

Il lui donnait à chaque instant le bonheur en offrande.

Et, elle le dévorait, gourmande.

Plus il y pensait, plus il était angoissé.

Quel serait le diagnostique, avait-elle une chance?

Au bout du chemin… de l'espérance?

Il resta là à l'attendre, une larme coulant sur la joue.

Un moment de faiblesse, il tomba à genou!

Est-ce que les miracles existent?

le miracle (suite de l’angoisse)

Voilà, il s'assied sur la première chaise à sa portée,

Il est fatigué et ne peut plus marcher.

Il reprend doucement le contrôle de sa respiration.

Evitant soigneusement de perdre la raison.

Il a entendu pleurer, rire et pleurer encore.

Il n'ose imaginer, il serait mieux dehors.

Mais il a promis qu'il resterait là.

Il a juré depuis la toute première fois.

Il a résisté à ses sautes d'humeurs,

Il a surmonté ses pleurs.

Il l'a prise dans ses bras pour la protéger de tous,

Il l'a aimée comme un fou, envers et contre tout.

Un dernier regard vers la fenêtre, il fait beau.

Mais dans son coeur, c'est l'ouragan et il a chaud!

La porte s'ouvre!

Les yeux rougis par toutes ses larmes,

Nana sort du cabinet, elle semble avoir rendu les armes.

Elle parait fragile comme toujours, mais calme.

Est-ce la fin, doit-on s'attendre à un drame?

Il prend une profonde inspiration…surtout ne pas pleurer.

Il doit être fort, pour pouvoir l'accompagner.

Elle lui sourit!

Il s'attend au pire…

Il la prend tendrement dans ses bras, sans bruit.

Et coule le navire…

Elle se redresse et lui dit :” c'est fini!”

Il s'effondre, elle voit qu'il n'a pas compris.

-” C'est fini, notre dossier a été validé!”

Elle hurle, elle crie mais c'est de joie.

Il est abasourdi, il n'y croit pas.

-” On a enfin réussi? Des années à attendre et c'est oui…”

Il sanglote, il gémit, c'est à devenir fou!

Fou de joie, de désir de vivre, d'amour pour cette fille qui ne fait décidément rien comme les autres!

Les miracles existent, il faut y croire très fort.

Il a gardé un coin de ciel bleu dans sa tête depuis des mois,

Il s'est persuadé qu'elle y arriverait, il a gardé la foi!

C'est aujourd'hui le plus beau jour de sa vie,

Puisqu'il sait qu'un avenir avec elle est désormais possible,

Il en avait tellement envie!

Il est rayonnant de bonheur, il l'embrasse goulument partout,

Il oublie qu'ils ne sont pas seuls car il est le plus heureux des hommes.

Toute cette attente, cette souffrance, vient d'être balayée,

Il n'y a plus que deux êtres qui vont maintenant croquer la vie, à pleine dents,

Parce qu'ils ont eu peur, tellement peur…

Que leur dossier d'adoption n'aboutisse pas.

Qu'ils ne puissent fonder une famille, être une maman et un papa!

Alors, ils respirent, se tiennent par la main,

Franchissent le seuil de l'administration,

C'est la première fois, depuis tout ce temps qu'ils vont bien.

On lit dans leurs yeux, la joie, l'amour, la passion.

La fin de l'angoisse!