Charlottever

Charlottever

Attention, bonheur en vue...

Elle part tous les soirs travailler dans ce grand hôpital où la vie quitte parfois l'homme alors qu'il avait encore tant de projets.

Les murs sont pourtant colorés, il s'agit avant tout d’humaniser ce lieu où la souffrance règne en maîtresse!

Dans chaque chambre, une télévision, un peu de musique qui allège les cris étouffés des patients, les petits comme les grands. Ils ne rêvent que de rentrer chez eux, dans leur petit nid douillet. Alors parfois, lorsqu'ils sont surs d'être seuls et afin de ne froisser personne, ils se laissent aller à verser quelques pleurs, en secret!! Surtout à l'approche des fêtes! Leurs proches sont trop occupés à préparer les cadeaux, le repas…à vivre!

Mais Prune garde le moral! Elle aimerait travailler de jour pour pouvoir apporter un soutien efficace à tous ces malades! Mais elle gagne mieux sa vie en travaillant de nuit! Elle est seule pour élever Clément et Marc! Son mari l'a quittée il y a 5 ans déjà! Il vit aux Etats-Unis et les seules nouvelles de lui sont des virements tous les mois!

Clément a 12 ans, Marc 7 ans! Ils sont très sages et tellement murs pour leur âge! Ils grandissent courageusement sans papa pour leur montrer le chemin! Maman fait tout ce qu'elle peut et ils en sont conscients! Jamais une  dispute! Ils rentrent à la maison tout de suite après l'école! Font leurs devoirs…C'est une famille soudée! Il y a de l'Amour, beaucoup d'Amour!

Prune ne se plaint jamais! Elle est un peu fatiguée parfois mais ne le montre pas! Elle connait des passages difficiles de temps en temps, des baisses de moral mais cela ne dure jamais bien longtemps!

Cette année, avec ses enfants, elle a préparé des petits paniers de gourmandises pour les malades de son service, des mouchoirs brodés, des photos…En fait, elle consacre un peu de son temps durant toute l'année pour être fin prête à l'approche des fêtes! Parfois, l'un des patients vient à disparaitre! Elle s'isole, pleure un moment et quand son cœur a assez saigné, elle revient travailler!

Sa mère la disait trop sensible pour faire ce métier là! Mais, elle voulait donner et ne l'a pas écoutée! C'est aussi pour cela qu'il est parti son Jeff, parce qu'il en avait marre de la ramasser  à la petite cuillère les jours de tempête!

Elle promet qu'elle ne fera plus cette erreur! Mais le temps passe et Prune aura bientôt 37 ans!

Elle ne sort pas! Et son futur, elle l'imagine seule…toujours seule!

Enfin, demain c'est Noël et les bras chargés de cadeaux, elle se dirige gentiment vers son lieu de travail! Comme ce n'est pas loin de la maison et qu'il a neigé, elle est partie à pied! L'endroit n'est jamais mal fréquenté! La rue est éclairée et elle sait qu'elle ne risque rien car entre l'hôpital et la maison il y a le commissariat!

Il est 21 heures, elle doit prendre son service dans une heure! Il fait un peu froid ce soir et elle a bien fait de mettre ses gants, son écharpe et le joli bonnet bleu qui fait ressortir ses yeux! Car elle est jolie Prune! La douceur s'affiche en premier lieu sur ce visage juvénile! Elle n'a pas de ride, juste deux fossettes adorables quand elle sourit! Ses yeux bleus sont comme ceux des biches, tendres, ornés de grands cils, on peut y voir un océan de tendresse, au milieu, l'île de la  gentillesse!

Elle est là dans la rue, pensant déjà aux sourires de Monsieur  Casar devant les pâtes de fruits, au rire de Madame Fine lorsqu'elle découvrira son nouveau nécessaire à couture…Elle aime tellement faire plaisir! Elle a conscience de se faire plaisir à elle aussi dans ces moments là!

Elle est perdue dans ses pensées tant et si bien qu'elle oublie le lampadaire au coin de la rue et c'est la chute!

Elle glisse, les cadeaux tombent, elle peste!!!

-”Merde, suis-je bête alors! Où avais-je la tète?”

-” Votre tète est bien accrochée à votre corps! Laissez-moi vous aider”

Prune sursaute, elle s'apprête à crier, à mordre, à hurler s'il le faut!

Mais elle ne voit en face d'elle qu'un homme prévenant, au sourire charmant! Il a bien envie de rire, mais il se retient! Elle pourrait se vexer!

Ils se regardent un instant, puis sortant de leur réserve, éclatent de rire! La rue jusque là silencieuse leur répond, comme un écho!

Ils sont seuls et étrangement ont envie de rester comme cela, l'un à côté de l'autre…comme s'il était trop tôt pour se quitter alors que l'on ne sait même pas encore si “après” va exister!

- Excusez-moi, je me présente, Alain, j'habite à deux pas! Enchanté!

- Bonsoir, je suis Prune celle qui  vient de se ridiculiser en tombant à vos pieds alors que nous n'avions même pas été présentés! (mais je suis folle…pourquoi avoir dit cela? songea t'elle aussitôt tout bas).

- Je peux vous aider à porter cela! Par où allons-nous?

-Je travaille à deux pas mais je ne voudrais pas vous retarder! Cela va aller.

- Ne vous inquiétez pas, je vous propose mes bras!

- Dans ces conditions, direction Hôpital!

Et il l'accompagna jusque dans le hall où elle mit tous ses petits paquets dans un fauteuil roulant afin de faire le tour de ses patients plus facilement. Elle le remercia, il lui souhaita une bonne nuit! Cela n'alla pas plus loin.

Cette nuit fut très agréable! Tous furent émus devant leurs petits présents! Même Monsieur Marchand, qu'elle avait surnommé Grincheux! Il aima la photo encadrée montrant ses petits enfants à ses côtés! Elle l'avait prise en février! Ils ne venaient que très rarement. L'éloignement était conséquent! Mais, comme à son habitude au lieu de dire merci, il demanda de l'eau et plus vite que ça… Mais, elle le connaissait par cœur et depuis si longtemps…sa maladie empirait! Alors quoi qu'il arrive elle serait à ses côtés!

On dit pourtant qu'il ne faut pas s'attacher aux malades! Qu'ils sont des patients qui vont et qui viennent et que trop de sensibilité fait d'une infirmière une mauvaise soignante. Mais elle était comme cela et si parfois le cœur lui pesait, elle ne souhaitait pas changer! Pas besoin de carapace! Elle voulait rester vraie! Elle le leur devait! Il lui arrivait même de se confier à certains! Oh, juste des petits riens! La santé des enfants, la fatigue… elle se sentait proche de tous ces gens! Les autres infirmières l'enviaient presque sans l'avouer car elle avait le service le plus agréable de l'hôpital et cela depuis bien longtemps!

Comme toujours elle rentra au petit matin! Sa copine Félicia qui était en voiture la raccompagna!

Ses enfants se levèrent à 10 heures. Ils lui préparèrent le petit déjeuner sur  un plateau et vinrent doucement la réveiller!

Ils voulaient tout savoir! La réaction de Monsieur Grincheux, de Madame Joli, du petit Arthur qui était entré en urgence pour une appendicite…

Elle se frotta les yeux, releva son oreiller, se cala tout contre la tète de lit et se mit à tout raconter. Bien-sur elle enjolivait un peu mais les étoiles qui naissaient dans les yeux de ses enfants dans ces moments là lui donnaient raison!

Ils étaient soucieux de savoir si leurs présents avaient été appréciés. Ils se donnaient de la peine lorsqu'ils décoraient les cadres, décoraient les vases.. Ils avaient émis une fois le souhait de rencontrer quelques unes de ces personnes mais Prune avait répondu par la négative! Elle connaissait le poids de sa peine lorsqu'ils s'en allaient et ne voulait pas qu'ils aient à la partager. On se doit de protéger ses enfants le plus longtemps possible! La vie se charge bien trop tôt de leur faire des crocs en jambe!
Ils passèrent le réveillon de Noël chez leurs grands parents! Prune avait une relation privilégiée avec ses parents! Elle était fille unique et ils avaient toujours répondu présent même dans les moments les plus difficiles! Ils n'avaient pas toujours validé ses choix mais ils s'en étaient expliqués calmement, et honnêtement!
Ils gardaient souvent les enfants pendant les vacances, les emmenaient partout! A la pêche, au zoo,  au cirque…partout où les enfants rêvent d'aller! Il n'y avait jamais rien d'impossible!

Ils prirent les enfants chez eux pour la semaine! Prune avait posé quelques jours de congés mais elle souhaitait se reposer! Il était hors de question de les laisser devant la télévision ou sur l'ordinateur! Avec Papounet et Mamounette, ils n'allaient pas s'ennuyer!

Le 26, elle eut envie d'aller au cinéma! Elle voulait voir un film d'action pour se vider la tète…mais elle arriva après le début du film. Elle prit donc un billet pour un film plus ancré dans la réalité! Un film anglais comme elle les aimait!

Le hasard fit qu'elle se retrouva à côté de la personne qui l'avait aidée à porter ses paquets!

Ils se reconnurent, se sourirent!

Une jeune femme était assise à ses côtés! Elle lui tenait la main!

Prune se retourna donc tout naturellement vers l'écran.

-Les hommes bien ne sont jamais libres, pensa t'elle tout bas!

Mais elle sentait le regard insistant du jeune homme.

A la fin de la séance, il se pencha légèrement vers elle et lui glissa une petit carte sur laquelle figurait ses coordonnées ainsi qu'un message : je vous attendrai ce soir au même endroit, à la même heure…je vous attendrai tous les jours.

Elle ramassa bien vite la carte. Il s'appelait donc Alain Bordin! Elle regarderait dans l'annuaire ou sur le net si cela n'était pas un canular! De toute façon, il n'était visiblement pas libre! Et elle fuyait les histoires compliquées!

Toute la journée, elle lut et relut la petite carte! Elle était intriguée.

Le premier soir, elle résista, le second aussi! Mais au troisième, alors qu'elle devait retourner travailler, elle décida à nouveau d'y aller à pieds. Elle partit en avance. Elle ne comprenait pas pourquoi ses mains étaient moites et son cœur emballé!

Elle avança lentement, hésitant à faire demi-tour! Mais sa curiosité l'emporta! Elle arriva à hauteur du  lampadaire! Il n'était pas là! Elle sourit presque triste mais très vite se raisonna!

-Qu'attendais-tu d'un type comme cela!!! Tu ne le connais même pas!

Sa surprise cependant allait être totale quand elle l'aperçut en train de faire les 100 pas devant l'hôpital! Le bout de son nez était rouge, il allait virer au bleu….mais il lui fit le plus beau des sourire! Comme elle était en avance, elle lui proposa de lui offrir un café et il accepta!

Tous deux ne savaient pas très bien par où commencer, ils étaient maladroits! On aurait dit deux adolescents d'à peine quatorze ans qui se rendent à un premier rendez-vous galant! Ils se contentaient de se regarder dans les yeux…car les yeux ne savent pas mentir! Ils disent le plaisir et le désir aussi! La tristesse parfois…ils traduisent les sentiments que le cœur ne peut exprimer tout occupé qu'il est à essayer de gérer ce trop plein d'Amour.

Au bout de quelques minutes qui semblèrent une éternité, il prit enfin la parole!

-Tant de choses m'attirent chez vous! Je ne me l'explique pas! Je souhaiterais vous revoir, prendre le temps de vous connaitre! Cela peut vous paraitre fou mais vous avez réveillé en moi des sentiments que je pensais éteints. Je vis seul et si tel est votre cas …j'aimerais que nous fassions plus ample connaissance!

Prune réfléchissait à toute vitesse! Que devait-elle répondre! Son emploi du temps était très chargé! Ses enfants étaient sa priorité!

Il sentit son désarroi  et pour ne pas la froisser, lui laissa ses coordonnées.

Elle lui donna son adresse mail….elle verrait!

Il lui demanda la permission de revenir chaque jour. Elle n'osa répondre. Souleva ses frêles épaules…

-Comme il vous plaira…

Elle le regarda s'en aller! Mais avant qu'il ait franchi la porte courut vers lui, lui déposa un tendre baiser sur la joue.

Il resta là, un instant, surpris mais ravi! Elle repartit très vite vers l'escalier, rouge de confusion.

Et ils se virent souvent! De brèves rencontres mais follement enrichissantes.

Les mois se suivaient, ils ne parlaient pas d'avenir, apprenaient juste à se connaitre un peu plus, un peu mieux!

Prune n'osait croire en cette relation! Ils n'avaient jamais évoqué une vie à deux! Leurs deux corps n'avaient encore rien échangé! Ils ne s'étaient rien promis! Elle crut deviner qu'il avait connu un grand traumatisme! Elle ne posa aucune question!

Au bout d'une année, Alain lui demanda si elle consentait à lui présenter ses enfants. Elle accepta et organisa un diner chez ses parents!

Tout ce petit monde passa un après midi fort agréable! Alain joua au football avec les enfants! Il prit le temps de les écouter et répondit patiemment à chacune de leurs questions! Ils avaient l'air heureux! Ils se dirent que ce serait drôlement chouette pour maman d'avoir à nouveau quelqu'un à la maison!

Les parents de Prune trouvèrent Alain très agréable! Il donna à Mamounette sa recette de riz au lait façon bretonne….Il avait touché le cœur de notre cuisinière…il n'en fallait pas plus! Avec Papounet, il fit un billard! La partie s'annonça serrée! Papounet l'emporta, il était aux anges!

L'après midi passa trop vite…

Sur le chemin du retour, les garçons posèrent beaucoup de questions à leur mère! Ils lui avouèrent même qu'ils aimeraient bien un papa comme celui-là!

Prune nageait sur un océan de bonheur! Ce pourrait-il qu'elle cesse enfin d'être seule?

De son côté, Alain se mit au clavier et écrivit un long mail à Prune! Ecrire lui semblait plus facile! Il commença par le début.

Son enfance, sans amour mais ne manquant de rien. De hautes études qui l'amenèrent tout naturellement à prendre la direction de l'entreprise de ses beaux-parents. Une femme coquette, trop coquette…un enfant mort-né, un divorce…un exil en Afrique pendant une dizaine d'années. Le renoncement de beaucoup de choses! Une perte de confiance en soi certaine, presque qu'absolue! Un cœur en berne…le dégout de soi, de la vie… Puis, un contrat qui se termine, le retour en France! Un nouveau poste de responsable marketing! Un boulot créatif, une totale implication…surtout ne plus penser avec son cœur! Des petites amies de temps en temps! Mais l'impression âpre d'être un vieux loup de mer solitaire qui parle seul à en devenir fou…jusqu'à toi Prune! Toi si fraiche, si gentille! Je ne pensais pas tomber à nouveau amoureux! Je n'ai pas encore osé te l'avouer. A peine quelques phrases comme : “je me sens bien avec toi” mais aucun “je t'aime”, aucun mot d'Amour…peur de te perdre. J'étais au bord du gouffre et je ne veux plus de précipice! Par tes yeux, combien de fois m'as tu encouragé à me livrer…et je n'ai pas osé plonger! Prune, si tu voulais faire un petit bout de chemin à mes côtés, je serai un homme comblé! Je n'ai à t'offrir que de l'amour. Des moments de mélancolie parfois quoi qu'il me semble qu'à tes côtés, enfin ils disparaitraient…Prune, mes sentiments envers toi sont sincères… As-tu une place pour moi, aujourd'hui, demain, toujours…Je vais essayer de rester calme en attendant ta réponse. Alain

Le mail de Prune ne se fit pas attendre! Il était très bref : on t'attend, prends ta brosse à dents!

Alain crut qu'il allait défaillir! Un nœud à l'estomac, des mains qui tremblent. Comme il était difficile de faire table rase du passé!

Dix longues années pour oublier! Que se serait-il passé si ce jour là il n'avait pas rencontré Prune?

On ne sait jamais ce que la vie nous réserve! Certains cherchent désespérément le bonheur qu'ils ont à portée de main.

D'autres ne savent se satisfaire de ce qu'ils ont!

D'autres encore gâchent tout ce qu'ils touchent….

La vie n'est qu'une suite d'évènements. Parsemée de pièges et d'embûches, gare aux certitudes! Ne tenez jamais rien pour acquis!
Il est difficile d'être heureux! Et quand on l'est, il faut se battre pour le rester! Les termes vous paraissent guerriers, ils reflètent pourtant la réalité! Les êtres humains ne sont pas des objets inanimés! Ils ont un gros défaut, leurs mouvements sont aléatoires. La peine qu'ils peuvent causer autour d'eux ne semble pas les émouvoir!

Prune et Alain se sont trouvés! Ils vont s'aimer, au delà de leurs espérances parce qu'ils ont souffert, ils vont s'accrocher à ce bonheur tout neuf pour que plus jamais, la pluie n'inonde leur cœur.

Alors, je vous pose la question! Faut-il avoir souffert pour qu'enfin le bonheur daigne ouvrir ses portes?

Ou le bonheur est-il à portée de tous, comme nous aimerions le croire?

 

 

 

bonsoir ma Cécile, très belle histoire, j’ai beaucoup aimé;
par contre je ne pense pas qu’il faut avoir souffert pour trouver le bonheur, il est souvent à côté de nous et quelquefois on ne s’en aperçoit pas; par contre, les gens qui ont beaucoup souffert apprécient surement beaucoup plus lorsqu’ils trouvent le bonheur;
bisous
papa



01/05/2013
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